samedi 20 août 2016

Intervention au ralliement de Stop Oléoduc Outaouais

À titre d’archevêque de Gatineau, je suis responsable d’une cinquante de paroisses qui s’étendent le long de la rivière des Outaouais de Fassett et Montebello à l’est jusqu’à Aylmer et Luskville à l’ouest. Vous comprendrez que je suis de près les enjeux liés au bien-être de ces communautés. C’est pourquoi je tenais à être ici aujourd’hui pour ajouter ma voix aux vôtres et réclamer de nos leaders politiques des décisions qui promeuvent le bien commun, la santé des individus et le respect pour notre demeure commune, la terre.

Lors de mon arrivée dans la région il y a cinq ans, l’archidiocèse de Gatineau se préparait à célébrer son 50e anniversaire. Trois grands pèlerinages marquèrent cette fête : une le long de la rivière de la Petite Nation, l’autre le long de la Lièvre et la troisième le long de la Gatineau. Chaque jour, une centaine de personnes endossaient leurs souliers de marche et prenaient en main leurs bâtons de pèlerins pour parcourir une vingtaine de kilomètres. Au fil des trois semaines, une vraie communauté humaine s’est formée, axée sur le respect des différences, l’ouverture à l’autre et la découverte de l’environnement humain et physique que nous traversions. J’ai pu me joindre aux marcheurs à quelques reprises et revivre un peu la grande marche de Compostelle que j’avais faite en 2007. Vous qui venez de marcher le long de la rivière des Outaouais, vous avez vécu une expérience semblable de solidarité, de fraternité et de découverte. On dirait que de marcher ainsi nous faire redécouvrir l’essentiel qui se trouve dans la simplicité, l’ouverture et le respect. Je vous en félicite. Les valeurs dont vous témoignez par cette marche sont des valeurs qui devraient marquer notre vivre ensemble. Ce sont des valeurs qui sous-tendent la réflexion de l’Église catholique sur la crise écologique depuis une cinquantaine d’années.

Ainsi, déjà en 1970, le Pape Paul VI s’adressait à la FAO, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture avec ces mots : « La mise en œuvre des possibilités techniques à un rythme accéléré ne va pas sans retentir dangereusement sur l’équilibre de notre milieu naturel, et la détérioration progressive de l’environnement risque, sous l’effet des retombées de la civilisation industrielle, de conduire à une véritable catastrophe écologique... »

Vingt ans plus tard, en 1990, le Pape Jean-Paul II livrait son message annuel pour la paix. Il y affirmait sans ambages que la crise écologique est un problème moral. Il écrivait : « Les intérêts économiques l’emportent sur le bien des personnes, sinon même sur celui de populations entières. Dans ces cas, la pollution ou la destruction de l’environnement sont le résultat d’une vision réductrice et antinaturelle qui dénote parfois un véritable mépris de l’être humain. »

Il y a cinq ans, le Pape Benoît XVI s’adressait au Bundestag, le parlement allemand. Dans ce contexte, il a constaté : « Les jeunes se rendent compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans nos relations à la nature; que la matière n’est pas seulement un matériel pour notre faire, mais que la terre elle-même porte en elle sa propre dignité et que nous devons suivre ses indications... L’importance de l’écologie est désormais indiscutée. Nous devons écouter le langage de la nature et y répondre avec cohérence. »

L’an dernier, le Pape François a publié le document pontifical le plus important sur la question écologique, une lettre encyclique intitulée Laudato Si', sur la sauvegarde de la maison commune. Ce texte magistral fait le point sur la réalité écologique de notre planète et analyse la crise qui nous confronte. Il présente quelques principes qui devraient diriger notre réflexion et notre action en ce domaine. Permettez-moi d’en citer trois.

Dans la première citation, le Pape François constate un fait qui nous concerne ici, aujourd'hui : « L’eau potable et pure représente une question de première importance, parce qu’elle est indispensable pour la vie humaine comme pour soutenir les écosystèmes terrestres et aquatiques. Les sources d’eau douce approvisionnent des secteurs sanitaires, agricoles et de la pêche ainsi qu’industriels... Les eaux souterraines en beaucoup d’endroits sont menacées par la pollution que provoquent certaines activités extractives, agricoles et industrielles. »

Dans la seconde citation, il propose des principes pour la prise de décision : « Dans toute discussion autour d’une initiative, une série de questions devrait se poser en vue de discerner si elle offrira ou non un véritable développement intégral : Pour quoi? Par quoi? Où? Quand? De quelle manière? Pour qui? Quels sont les risques? À quel coût? Qui paiera les coûts et comment le fera-t-il? Dans ce discernement, certaines questions doivent avoir la priorité. Par exemple, nous savons que l’eau est une ressource limitée et indispensable, et y avoir accès est un droit fondamental qui conditionne l’exercice des autres droits humains. Ceci est indubitable et conditionne toute analyse de l’impact environnemental d’une région. »

Dans la troisième citation, il parle de l’importance d’écouter la voix des citoyens et des citoyennes : « À la table de discussion, les habitants locaux doivent avoir une place privilégiée, eux qui se demandent ce qu’ils veulent pour eux et pour leurs enfants, et qui peuvent considérer les objectifs qui transcendent l’intérêt économique immédiat. Il faut cesser de penser en terme d’“interventions” sur l’environnement, pour élaborer des politiques conçues et discutées par toutes les parties intéressées. »

L'exemple des papes, en particulier du Pape François, me pousse à me tenir avec vous dans la solidarité aujourd'hui et à vous féliciter, vous appuyer et vous encourager. Puisse ma pauvre voix s'ajouter aux milliers de voix qui exigent le respect de la terre. Permettez-moi de finir avec une petite prière composée par le Pape François :


Dieu Tout-Puissant qui es présent dans tout l’univers
et dans la plus petite de tes créatures,
répands sur nous la force de ton amour pour que
nous protégions la vie et la beauté.
Guéris nos vies,
pour que nous soyons des protecteurs du monde
et non des prédateurs,
pour que nous semions la beauté
et non la pollution ni la destruction.
Touche les cœurs
de ceux qui cherchent seulement des profits
aux dépens de la terre et des pauvres.
Apprends-nous à découvrir
la valeur de chaque chose,
à contempler, émerveillés,
à reconnaître que nous sommes profondément unis
à toutes les créatures
sur notre chemin vers ta lumière infinie.
Merci parce que tu es avec nous tous les jours.
Soutiens-nous, nous t’en prions,
dans notre lutte pour la justice, l’amour et la paix. Amen.

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